Le Chevalier double


 
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مُساهمةموضوع: Le Chevalier double    Le Chevalier double      Clock13الخميس مارس 22, 2012 12:57 pm



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Le Chevalier double



(Nouvelle fantastique)




Le Chevalier double      Cheval1




Théophile Gautier







Qui rend donc la blonde Edwige si
triste ? que fait-elle assise à l'écart, le menton dans sa main et le coude au
genou, plus morne que le désespoir, plus pâle que la statue d'albâtre qui pleure
sur un tombeau ?








Du coin de sa paupière une grosse
larme roule sur le duvet de sa joue, une seule, mais qui ne tarit jamais ; comme
cette goutte d'eau qui suinte des voûtes du rocher et qui à la longue use le
granit, cette seule larme, en tombant sans relâche de ses yeux sur son coeur,
l'a percé et traversé à jour.








Edwige, blonde Edwige, ne
croyez-vous plus à Jésus-Christ le doux Sauveur ? doutez-vous de l'indulgence de
la très sainte Vierge Marie ? Pourquoi portez-vous sans cesse à votre flanc vos
petites mains diaphanes, amaigries et fluettes comme celles des Elfes et des
Willis ? Vous allez être mère ; c'était votre plus cher voeu ; votre noble
époux, le comte Lodbrog, a promis un autel d'argent massif, un ciboire d'or fin
à l'église de Saint-Euthbert si vous lui donniez un fils.








Hélas ! hélas ! la pauvre Edwige a
le coeur percé des sept glaives de la douleur ; un terrible secret pèse sur son
âme. Il y a quelques mois, un étranger est venu au château ; il faisait un
terrible temps cette nuit-là : les tours tremblaient dans leur charpente, les
girouettes piaulaient, le feu rampait dans la cheminée, et le vent frappait à la
vitre comme un importun qui veut entrer.








L'étranger était beau comme un
ange, mais comme un ange tombé ; il souriait doucement et regardait doucement,
et pourtant ce regard et ce sourire vous glaçaient de terreur et vous
inspiraient l'effroi qu'on éprouve en se penchant sur un abîme. Une grâce
scélérate, une langueur perfide comme celle du tigre qui guette sa proie,
accompagnaient tous ses mouvements ; il charmait à la façon du serpent qui
fascine l'oiseau.








Cet étranger était un maître
chanteur ; son teint bruni montrait qu'il avait vu d'autres cieux ; il disait
venir du fond de la Bohême, et demandait l'hospitalité pour cette nuit-là
seulement.








Il resta cette nuit, et encore
d'autres jours et encore d'autres nuits, car la tempête ne pouvait s'apaiser, et
le vieux château s'agitait sur ses fondements comme si la rafale eût voulu le
déraciner et faire tomber sa couronne de créneaux dans les eaux écumeuses du
torrent.








Pour charmer le temps, il chantait
d'étranges poésies qui troublaient le coeur et donnaient des idées furieuses ;
tout le temps qu'il chantait, un corbeau noir vernissé, luisant comme le jais,
se tenait sur son épaule ; il battait la mesure avec son bec d'ébène, et
semblait applaudir en secouant ses ailes. – Edwige pâlissait, pâlissait comme
les lis du clair de lune ; Edwige rougissait, rougissait comme les roses de
l'aurore, et se laissait aller en arrière dans son grand fauteuil, languissante,
à demi-morte, enivrée comme si elle avait respiré le parfum fatal de ces fleurs
qui font mourir.








Enfin le maître chanteur put
partir ; un petit sourire bleu venait de dérider la face du ciel. Depuis ce
jour, Edwige, la blonde Edwige ne fait que pleurer dans l'angle de la fenêtre.








Edwige est mère ; elle a un bel
enfant tout blanc et tout vermeil. – Le vieux comte Lodbrog a commandé au
fondeur l'autel d'argent massif, et il a donné mille pièces d'or à l'orfèvre
dans une bourse de peau de renne pour fabriquer le ciboire ; il sera large et
lourd, et tiendra une grande mesure de vin. Le prêtre qui le videra pourra dire
qu'il est un bon buveur.








L'enfant est tout blanc et tout
vermeil, mais il a le regard noir de l'étranger : sa mère l'a bien vu. Ah !
pauvre Edwige ! pourquoi avez-vous tant regardé l'étranger avec sa harpe et son
corbeau ?...








Le chapelain ondoie l'enfant ; –
on lui donne le nom d'Oluf, un bien beau nom ! – Le mire monte sur la plus haute
tour pour lui tirer l'horoscope.








Le temps était clair et froid :
comme une mâchoire de loup cervier aux dents aiguës et blanches, une découpure
de montagnes couvertes de neiges mordait le bord de la robe du ciel ; les
étoiles larges et pâles brillaient dans la crudité bleue de la nuit comme des
soleils d'argent.








Le mire prend la hauteur, remarque
l'année, le jour et la minute ; il fait de longs calculs en encre rouge sur un
long parchemin tout constellé de signes cabalistiques ; il rentre dans son
cabinet, et remonte sur la plate-forme, il ne s'est pourtant pas trompé dans ses
supputations, son thème de nativité est juste comme un trébuchet à peser les
pierres fines ; cependant il recommence : il n'a pas fait d'erreur.








Le petit comte Oluf a une étoile
double, une verte et une rouge, verte comme l'espérance, rouge comme l'enfer ;
l'une favorable, l'autre désastreuse. Cela s'est-il jamais vu qu'un enfant ait
une étoile double ?








Avec un air grave et compassé le
mire rentre dans la chambre de l'accouchée et dit, en passant sa main osseuse
dans les flots de sa grande barbe de mage :








"Comtesse Edwige, et vous, comte
Lodbrog, deux influences ont présidé à la naissance d'Oluf, votre précieux fils
: l'une bonne, l'autre mauvaise ; c'est pourquoi il a une étoile verte et une
étoile rouge. Il est soumis à un double ascendant ; il sera très heureux ou très
malheureux, je ne sais lequel ; peut-être tous les deux à la fois."








Le comte Lodbrog répondit au mire
: "L'étoile verte l'emportera." Mais Edwige craignait dans son coeur de mère que
ce ne fût la rouge. Elle remit son menton dans sa main, son coude sur son genou,
et recommença à pleurer dans le coin de la fenêtre. Après avoir allaité son
enfant, son unique occupation était de regarder à travers la vitre la neige
descendre en flocons drus et pressés, comme si l'on eût plumé là-haut les ailes
blanches de tous les anges et de tous les chérubins.








De temps en temps un corbeau
passait devant la vitre, croassant et secouant cette poussière argentée. Cela
faisait penser Edwige au corbeau singulier qui se tenait toujours sur l'épaule
de l'étranger au doux regard de tigre, au charmant sourire de vipère.








Et ses larmes tombaient plus vite
de ses yeux sur son coeur, sur son coeur percé à jour.








Le jeune Oluf est un enfant bien
étrange : on dirait qu'il y a dans sa petite peau blanche et vermeille deux
enfants d'un caractère différent ; un jour il est bon comme un ange, un autre
jour il est méchant comme un diable, il mord le sein de sa mère, et déchire à
coup d'ongles le visage de sa gouvernante.








Le vieux comte Lodbrog, souriant
dans sa moustache grise, dit qu'Oluf fera un bon soldat et qu'il a l'humeur
belliqueuse. Le fait est qu'Oluf est un petit drôle insupportable : tantôt il
pleure, tantôt il rit ; il est capricieux comme la lune, fantasque comme une
femme ; il va, vient, s'arrête tout à coup sans motif apparent, abandonne ce
qu'il avait entrepris et fait succéder à la turbulence la plus inquiète
l'immobilité la plus absolue ; quoiqu'il soit seul, il paraît converser avec un
interlocuteur invisible ! Quand on lui demande la cause de toutes ces
agitations, il dit que l'étoile rouge le tourmente.








Oluf a bientôt quinze ans. Son
caractère devient de plus en plus inexplicable ; sa physionomie, quoique
parfaitement belle, est d'une expression embarrassante ; il est blond comme sa
mère, avec tous les traits de la race du Nord ; mais sous son front blanc comme
la neige que n'a rayée encore ni le patin du chasseur ni maculée le pied de
l'ours, et qui est bien le front de la race antique des Lodbrog, scintille entre
deux paupières orangées un oeil aux longs cils noirs, un oeil de jais illuminé
des fauves ardeurs de la passion italienne, un regard velouté, cruel et
doucereux comme celui du maître chanteur de Bohême.








Comme les mois s'envolent, et plus
vite encore les années ! Edwige repose maintenant sous les arches ténébreuses du
caveau des Lodbrog, à côté du vieux comte, souriant, dans son cercueil, de ne
pas voir son nom périr. Elle était déjà si pâle que la mort ne l'a pas beaucoup
changée. Sur son tombeau il y a une belle statue couchée, les mains jointes, et
les pieds sur une levrette de marbre, fidèle compagnie des trépassés. Ce qu'a
dit Edwige à sa dernière heure, nul ne le sait, mais le prêtre qui la confessait
est devenu plus pâle encore que la mourante.








Oluf, le fils brun et blond
d'Edwige la désolée, a vingt ans aujourd'hui. Il est très adroit à tous les
exercices, nul ne tire mieux l'arc que lui ; il refend la flèche qui vient de se
planter en tremblant dans le coeur du but ; sans mors ni éperon il dompte les
chevaux les plus sauvages.








Il n'a jamais impunément regardé
une femme ou une jeune fille ; mais aucune de celles qui l'ont aimé n'a été
heureuse. L'inégalité fatale de son caractère s'oppose à toute réalisation de
bonheur entre une femme et lui. Une seule de ses moitiés ressent de la passion,
l'autre éprouve de la haine ; tantôt l'étoile verte l'emporte, tantôt l'étoile
rouge. Un jour il vous dit : "Ô blanches vierges du Nord, étincelantes et pures
comme les glaces du pôle ; prunelles de clair de lune ; joues nuancées des
fraîcheurs de l'aurore boréale !" Et l'autre jour il s'écriait : "Ô filles
d'Italie, dorées par le soleil et blondes comme l'orange ! coeurs de flamme dans
des poitrines de bronze !" Ce qu'il y a de plus triste, c'est qu'il est sincère
dans les deux exclamations.








Hélas ! pauvres désolées, tristes
ombres plaintives, vous ne l'accusez même pas, car vous savez qu'il est plus
malheureux que vous ; son coeur est un terrain sans cesse foulé par les pieds de
deux lutteurs inconnus, dont chacun, comme dans le combat de Jacob et de l'Ange,
cherche à dessécher le jarret de son adversaire.








Si l'on allait au cimetière, sous
les larges feuilles veloutées du verbascum aux profondes découpures, sous
l'asphodèle aux rameaux d'un vert malsain, dans la folle avoine et les orties,
l'on trouverait plus d'une pierre abandonnée où la rosée du matin répand seule
ses larmes. Mina, Dora, Thécla ! la terre est-elle bien lourde à vos seins
délicats et à vos corps charmants ?








Un jour Oluf appelle Dietrich, son
fidèle écuyer ; il lui dit de seller son cheval.








"Maître, regardez comme la neige
tombe, comme le vent siffle et fait ployer jusqu'à terre la cime des sapins ;
n'entendez-vous pas dans le lointain hurler les loups maigres et bramer ainsi
que des âmes en peine les rennes à l'agonie ?








– Dietrich, mon fidèle écuyer, je
secouerai la neige comme on fait d'un duvet qui s'attache au manteau ; je
passerai sous l'arceau des sapins en inclinant un peu l'aigrette de mon casque.
Quant aux loups, leurs griffes s'émousseront sur cette bonne armure, et du bout
de mon épée fouillant la glace, je découvrirai au pauvre renne, qui geint et
pleure à chaudes larmes, la mousse fraîche et fleurie qu'il ne peut atteindre."








Le comte Oluf de Lodbrog, car tel
est son titre depuis que le vieux comte est mort, part sur son bon cheval,
accompagné de ses deux chiens géants, Murg et Fenris, car le jeune seigneur aux
paupières couleur d'orange a un rendez-vous, et déjà peut-être, du haut de la
petite tourelle aiguë en forme de poivrière, se penche sur le balcon sculpté,
malgré le froid et la bise, la jeune fille inquiète, cherchant à démêler dans la
blancheur de la plaine le panache du chevalier.








Oluf, sur son grand cheval à
formes d'éléphant, dont il laboure les flancs à coups d'éperon, s'avance dans la
campagne ; il traverse le lac, dont le froid n'a fait qu'un seul bloc de glace,
où les poissons sont enchâssés, les nageoires étendues, comme des pétrifications
dans la pâte du marbre ; les quatre fers du cheval, armés de crochets, mordent
solidement la dure surface ; un brouillard, produit par sa sueur et sa
respiration, l'enveloppe et le suit ; on dirait qu'il galope dans un nuage ; les
deux chiens, Murg et Fenris, soufflent, de chaque côté de leur maître, par leurs
naseaux sanglants, de longs jets de fumée comme des animaux fabuleux.








Voici le bois de sapins ; pareils
à des spectres, ils étendent leurs bras appesantis chargés de nappes blanches ;
le poids de la neige courbe les plus jeunes et les plus flexibles : on dirait
une suite d'arceaux d'argent. La noire terreur habite dans cette forêt, où les
rochers affectent des formes monstrueuses, où chaque arbre, avec ses racines,
semble couver à ses pieds un nid de dragons engourdis. Mais Oluf ne connaît pas
la terreur.








Le chemin se resserre de plus en
plus, les sapins croisent inextricablement leurs branches lamentables ; à peine
de rares éclaircies permettent-elles de voir la chaîne de collines neigeuses qui
se détachent en blanches ondulations sur le ciel noir et terne.








Heureusement Mopse est un
vigoureux coursier qui porterait sans plier Odin le gigantesque ; nul obstacle
ne l'arrête ; il saute par-dessus les rochers, il enjambe les fondrières, et de
temps en temps il arrache aux cailloux que son sabot heurte sous la neige une
aigrette d'étincelles aussitôt éteintes.








"Allons, Mopse, courage ! tu n'as
plus à traverser que la petite plaine et le bois de bouleaux ; une jolie main
caressera ton col satiné, et dans une écurie bien chaude tu mangeras de l'orge
mondée et de l'avoine à pleine mesure."








Quel charmant spectacle que le
bois de bouleaux ! toutes les branches sont ouatées d'une peluche de givre, les
plus petites brindilles se dessinent en blanc sur l'obscurité de l'atmosphère :
on dirait une immense corbeille de filigrane, un madrépore d'argent, une grotte
avec tous ses stalactites ; les ramifications et les fleurs bizarres dont la
gelée étame les vitres n'offrent pas des dessins plus compliqués et plus variés.








"Seigneur Oluf, que vous avez
tardé ! j'avais peur que l'ours de la montagne vous eût barré le chemin ou que
les elfes vous eussent invité à danser, dit la jeune châtelaine en faisant
asseoir Oluf sur le fauteuil de chêne dans l'intérieur de la cheminée. Mais
pourquoi êtes-vous venu au rendez-vous d'amour avec un compagnon ? Aviez-vous
donc peur de passer tout seul par la forêt ?








– De quel compagnon voulez-vous
parler, fleur de mon âme ? dit Oluf très surpris à la jeune châtelaine.








– Du chevalier à l'étoile rouge
que vous menez toujours avec vous. Celui qui est né d'un regard du chanteur
bohémien, l'esprit funeste qui vous possède ; défaites-vous du chevalier à
l'étoile rouge, ou je n'écouterai jamais vos propos d'amour : je ne puis être la
femme de deux hommes à la fois."








Oluf eut beau faire et beau dire,
il ne put seulement parvenir à baiser le petit doigt rose de la main de Brenda ;
il s'en alla fort mécontent et résolu à combattre le chevalier à l'étoile rouge
s'il pouvait le rencontrer.








Malgré l'accueil sévère de Brenda,
Oluf reprit le lendemain la route du château à tourelles en forme de poivrière :
les amoureux ne se rebutent pas aisément.








Tout en cheminant il se disait : "Brenda
sans doute est folle ; et que veut-elle dire avec son chevalier à l'étoile rouge
?"








La tempête était des plus
violentes ; la neige tourbillonnait et permettait à peine de distinguer la terre
du ciel. Une spirale de corbeaux, malgré les abois de Fenris et de Murg, qui
sautaient en l'air pour les saisir, tournoyait sinistrement au-dessus du panache
d'Oluf. À leur tête était le corbeau luisant comme le jais qui battait la mesure
sur l'épaule du chanteur bohémien.








Fenris et Murg s'arrêtèrent
subitement : leurs naseaux mobiles hument l'air avec inquiétude ; ils subodorent
la présence d'un ennemi. – Ce n'est point un loup ni un renard ; un loup et un
renard ne seraient qu'une bouchée pour ces braves chiens.








Un bruit de pas se fait entendre,
et bientôt paraît au détour du chemin un chevalier monté sur un cheval de grande
taille et suivi de deux chiens énormes.








Vous l'auriez pris pour Oluf. Il
était armé exactement de même, avec un surcot historié du même blason ;
seulement il portait sur son casque une plume rouge au lieu d'une verte. La
route était si étroite qu'il fallait que l'un des deux chevaliers reculât.








"Seigneur Oluf, reculez-vous pour
que je passe, dit le chevalier à la visière baissée. Le voyage que je fais est
un long voyage ; on m'attend, il faut que j'arrive.








– Par la moustache de mon père,
c'est vous qui reculerez. Je vais à un rendez-vous d'amour, et les amoureux sont
pressés", répondit Oluf en portant la main sur la garde de son épée.








L'inconnu tira la sienne, et le
combat commença. Les épées, en tombant sur les mailles d'acier, en faisaient
jaillir des gerbes d'étincelles pétillantes ; bientôt, quoique d'une trempe
supérieure, elles furent ébréchées comme des scies. On eût pris les combattants,
à travers la fumée de leurs chevaux et la brume de leur respiration haletante,
pour deux noirs forgerons acharnés sur un fer rouge. Les chevaux, animés de la
même rage que leurs maîtres, mordaient à belles dents leurs cous veineux, et
s'enlevaient des lambeaux de poitrail ; ils s'agitaient avec des soubresauts
furieux, se dressaient sur leurs pieds de derrière, et se servant de leurs
sabots comme de poings fermés, ils se portaient des coups terribles pendant que
leurs cavaliers se martelaient affreusement par-dessus leurs têtes ; les chiens
n'étaient qu'une morsure et qu'un hurlement.








Les gouttes de sang, suintant à
travers les écailles imbriquées des armures et tombant toutes tièdes sur la
neige, y faisaient de petits trous roses. Au bout de peu d'instants l'on aurait
dit un crible, tant les gouttes tombaient fréquentes et pressées. Les deux
chevaliers étaient blessés.








Chose étrange, Oluf sentait les
coups qu'il portait au chevalier inconnu ; il souffrait des blessures qu'il
faisait et de celles qu'il recevait : il avait éprouvé un grand froid dans la
poitrine, comme d'un fer qui entrerait et chercherait le coeur, et pourtant sa
cuirasse n'était pas faussée à l'endroit du coeur : sa seule blessure était un
coup dans les chairs au bras droit. Singulier duel, où le vainqueur souffrait
autant que le vaincu, où donner et recevoir était une chose indifférente.








Ramassant ses forces, Oluf fit
voler d'un revers le terrible heaume de son adversaire. – Ô terreur ! que vit le
fils d'Edwige et de Lodbrog ? il se vit lui-même devant lui : un miroir eût été
moins exact. Il s'était battu avec son propre spectre, avec le chevalier à
l'étoile rouge ; le spectre jeta un grand cri et disparut.








La spirale de corbeaux remonta
dans le ciel et le brave Oluf continua son chemin ; en revenant le soir à son
château, il portait en croupe la jeune châtelaine, qui cette fois avait bien
voulu l'écouter. Le chevalier à l'étoile rouge n'étant plus là, elle s'était
décidée à laisser tomber de ses lèvres de rose, sur le coeur d'Oluf, cet aveu
qui coûte tant à la pudeur. La nuit était claire et bleue, Oluf leva la tête
pour chercher sa double étoile et la faire voir à sa fiancée : il n'y avait plus
que la verte, la rouge avait disparu.








En entrant, Brenda, tout heureuse
de ce prodige qu'elle attribuait à l'amour, fit remarquer au jeune Oluf que le
jais de ses yeux s'était changé en azur, signe de réconciliation céleste. – Le
vieux Lodbrog en sourit d'aise sous sa moustache blanche au fond de son tombeau
; car, à vrai dire, quoiqu'il n'en eût rien témoigné, les yeux d'Oluf l'avaient
quelquefois fait réfléchir. – L'ombre d'Edwige est toute joyeuse, car l'enfant
du noble seigneur Lodbrog a enfin vaincu l'influence maligne de l'oeil orange,
du corbeau noir et de l'étoile rouge : l'homme a terrassé l'incube.








Cette histoire montre comme un
seul moment d'oubli, un regard même innocent, peuvent avoir d'influence.








Jeunes femmes, ne jetez jamais les
yeux sur les maîtres chanteurs de Bohême, qui récitent des poésies enivrantes et
diaboliques. Vous, jeunes filles, ne vous fiez qu'à l'étoile verte ; et vous qui
avez le malheur d'être double, combattez bravement, quand même vous devriez
frapper sur vous et vous blesser de votre propre épée, l'adversaire intérieur,
le méchant chevalier.








Si vous demandez qui nous a
apporté cette légende de Norvège, c'est un cygne ; un bel oiseau au bec jaune,
qui a traversé le Fiord, moitié nageant, moitié volant.






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مُساهمةموضوع: رد: Le Chevalier double    Le Chevalier double      Clock13الأحد مارس 25, 2012 2:36 am


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شكرا على
موضوع الرااااائع يعطيك الف الف عافية
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مُساهمةموضوع: رد: Le Chevalier double    Le Chevalier double      Clock13الأحد أبريل 01, 2012 5:02 am


شكرا على الردود الرائعة وفقكم الله
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